L’abbé Charles Desgenettes

La vie extraordinaire

DU CURÉ HISTORIQUE DE NOTRE-DAME DES VICTOIRES

Vous vous trouvez devant le confessionnal où confessait l’abbé Charles Desgenettes. Nommé curé en 1832 dans une église dont les paroissiens ont délaissé toute pratique religieuse, il fait en quelques années de Notre-Dame des Victoires l’un des tout premiers lieux de pèlerinage marial au monde.

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«  Ce n’est pas la Volonté de Dieu ; il faut que vous soyez curé. Vous serez nommé curé avant la fin de l’année. Vous refuserez et serez forcé d’accepter. Vous irez dans une paroisse où vous souffrirez beaucoup mais où vous ferez du bien. Vous la quitterez après quelque temps pour aller dans une autre. »

Charles Desgenettes naît le 10 août 1778 à Alençon dans l’Orne. Doué d’une intelligence et d’une mémoire remarquables, il sait lire à 3 ans. 

Profondément croyant, il construit enfant de petits oratoires en l’honneur de la Sainte Vierge où il va implorer son pardon pour avoir fait de la peine à sa mère. Il désire devenir prêtre et cherche à tout prix à se corriger.

La Révolution française éclate en 1789. Il a 12 ans en 1790 lorsque la Constitution civile du clergé est votée. Cet acte le répugne. Envoyé à confesse au sein de son collège, il refuse le sacrement de Réconciliation car le prêtre est assermenté :

« Je suis amené ici de force. Je ne me confesse pas aux prêtres assermentés. Vous n’êtes pas catholique. Vous avez bien des relations avec la cour de Satan ! »

En 1799, son père opposé à sa vocation sacerdotale l’envoie reprendre des études de maths et de médecine. Mais Charles tombe gravement malade. Se voyant mourir, il fait le vœu de se consacrer à Dieu s’il guérit.

Le jeune homme rentre finalement au séminaire en 1803 et est ordonné prêtre en 1805 pour le diocèse d’Alençon (Normandie).

En 1815, alors qu’il a déjà refusé par deux fois la charge de curé de paroisse, un prêtre à qui il confie son désir de rentrer chez les jésuites, lui fait cette prophétie :

«  Ce n’est pas la Volonté de Dieu ; il faut que vous soyez curé. Vous serez nommé curé avant la fin de l’année. Vous refuserez et serez forcé d’accepter. Vous irez dans une paroisse où vous souffrirez beaucoup mais où vous ferez du bien. Vous la quitterez après quelque temps pour aller dans une autre. »

La prédiction se réalise puisqu’il est nommé la même année curé à Alençon où il n’est pas bien accueilli… Le jour de son installation, il fait son entrée dans l’église escortée par la gendarmerie !

Au bout de 3 années difficiles, les paroissiens finissent par s’attacher à leur curé et lorsque ce dernier tombe gravement malade, ils se relaient à son chevet.

Les vertus de pasteur de l’abbé Desgenettes sont vantées jusqu’au diocèse de Paris qui obtient son prêt en 1819.

Il se dévoue auprès des pauvres et des orphelins de la capitale et fondent plusieurs œuvres à leur service, s’endettant personnellement. 

Il devient curé de Notre-Dame des Victoires le 30 août 1832 à l’âge de 54 ans. Lorsqu’il prend possession de son église et parcourt le quartier, il comprend qu’il rentre dans la dernière étape de sa vie prophétisée en 1815. Voici ce qu’il découvre :

« Il y a dans Paris, cette moderne Babylone, une paroisse alors presque inconnue même d’un grand nombre de ses habitants. Elle est située entre le Palais Royal et la Bourse : sa ceinture se compose de théâtres et de lieux de plaisirs bruyants. Cette paroisse, dédiée à Notre-Dame des Victoires, a perdu son nom avec sa gloire, on ne la connaît plus que sous le nom sans expression d’église des petits pères. »

L’église reste déserte même les jours de fête. Les sacrements ne sont pas administrés, même au moment de la mort. Le pauvre curé prêche mais personne n’est là pour l’écouter. Le premier dimanche il y a à peine 40 personnes à la messe. Cela va durer 4 longues années. 

Alors que le pauvre abbé Desgenettes est sur le point d’abandonner, il se passe un événement extraordinaire le samedi 3 décembre 1836.

Il raconte :

« Je commençais la Sainte Messe. J’en étais au premier verset du psaume quand une pensée vint saisir mon esprit : l’inutilité de mon ministère dans cette paroisse. Je fis tous les efforts pour l’éloigner de mon esprit. Il me semblait entendre une voix qui me répétait : « Tu ne fais rien, ton ministère est nul. Vois depuis plus de 4 ans que tu es ici, qu’as-tu gagné ? Tout est perdu, ce peuple n’a plus de foi. Tu devrais par prudence te retirer. » Cette pensée s’opiniatra tellement qu’elle absorba toutes les facultés de mon esprit au point que je lisais, récitais les prières sans plus comprendre ce que je disais. 

Après le Sanctus, je m’arrêtais un instant et je me dis : « Mon Dieu, dans quel état suis-je ? Comment vais-je offrir le divin Sacrifice ? » À peine eu-je achevé ces paroles que j’entendis très distinctement : « Consacre ta paroisse au Très Saint et Immaculé Cœur de Marie. » À peine eu-je entendu ces paroles que je recouvrais immédiatement le calme et la liberté. » 

Rentré chez lui, il rédige les statuts de l’association du Cœur Immaculé de Marie, Refuge des pêcheurs qui sont immédiatement validés par l’archevêque de Paris qui l’encourage dans sa démarche. 

Le 11 décembre, le père Desgenettes annonce durant la messe où il y a seulement 10 personnes que le soir même à 19h, il célèbrera un office pour implorer de la Miséricorde divine, par la protection du Cœur de Marie, la grâce de la conversion des pêcheurs. 

À l’heure dite, lorsqu’il arrive à l’église sans grande espérance, le curé fait face à une foule de 400 à 500 personnes ! Les vêpres sont entendues avec indifférence mais arrivé aux Litanies de la Sainte Vierge, l’assemblée redouble de ferveur, surtout à l’invocation « Refuge des pêcheurs » où tout le monde se met à genoux. 

Le père est bouleversé et dit à la Sainte Vierge :

« Ô Marie, adoptez cette pieuse association. Donnez m’en pour preuve la conversion de M. Joly. J’irai demain chez lui en votre nom. »

M. Joly était le dernier ministre de Louis XVI et était profondément athée. Il reçoit le père Desgenettes, lui demande sa bénédiction et se confesse. Il sera parmi les premiers à rejoindre l’association. En 10 jours, ils sont plus de 200 à faire de même. 

Des témoignages de guérisons et de conversion commencent à affluer de toute la France et même de l’étranger.

Le 24 avril 1838, le Pape érige l’association en Archiconfrérie universelle.

« L’Archiconfrérie fait la guerre à Satan, elle lui arrache des victimes », confie le curé de Notre-Dame des Victoires.

Dès 1839, le père Desgenettes ajoute la guérison des malades et le secours des affligés à ses prières mariales : 

« Nous ne pouvions pas oublier que Marie est aussi bien le salut des malades, la consolation des affligés que le refuge des pêcheurs. La Mère de Miséricorde veut que sa toute puissance s’exerce en faveur de tous ceux qui peuvent en éprouver quelque besoin. »

Le curé essaie de décorer son église qui est alors bien nue mais au fil des années, il voit avec joie les murs se remplir d’ex-votos en marbre, de cœurs et de lampes. En 1853, le Pape offre des couronnes pour la statue de la Vierge et de l’Enfant Jésus. Ces couronnes seront volés lors du pillage de l’église en 1871, pendant la Commune.

Tout doucement, le père Desgenettes entre dans la vieillesse. Le Jeudi Saint de l’année 1859, ses jambes ne le soutiennent plus et il est porté dans l’église pour la dernière fois. Il décède le 25 avril 1859 à l’âge de 82 ans. Il souhaitait être enterré aux pieds de la Sainte Vierge et son vœu est exaucé par décret impérial. 

Une dernière fois, écoutons-le :

« Il faut aimer, il faut prier. Marie n’est pas seulement l’avocate, le refuge des pêcheurs : elle est encore la consolation des affligés, la force et l’appui de ceux qui souffrent, le secours des chrétiens et la bonne et tendre mère de tous les hommes. Rien de ce qui nous intéresse ne peut lui être indifférent. Le malade qui l’invoque obtient souvent par sa protection le soulagement, la guérison de ses maux. »